Article de Eric KIENER, Congrès de LYON, 2009, sources FA.FOR.ME.C
ANXIETE GENERALISEE, ANGOISSE QUELQUES REPONSES DE L’ACUPUNCTEUR
Résumé : L’auteur tente de décoder les symptômes classiquement vécus et exprimés dans notre mode moderne afin de leur trouver une correspondance dans les textes de médecine chinoise traditionnelle.
L’intérêt est de proposer des solutions thérapeutiques simples à des situations fortement consommatrices de médications allopathiques aux conséquences non négligeables, quant à la vigilance et la concentration et au niveau de la qualité de vie, sans oublier le budget des assurances maladies.
Rappel des définitions modernes de l’anxiété et de ses comportements satellites : l’angoisse étant l’acmé de la situation.
La référence actuelle est la classification américaine DSM IV que l’on trouve sous le titre de « American Psychiatric Assocation », DSM-IV Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, Masson, 1996.
I L’anxiété généralisée
Les critères diagnostiques décris dans le DSM-IV :
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A. Anxiété et soucis excessifs (attente avec appréhension) survenant la plupart du temps durant au moins six mois, concernant un certain nombre d’événements ou d’activités (tel le travail ou les performances scolaires).
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B. La personne éprouve de la difficulté à contrôler cette préoccupation.
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C. L’anxiété et les soucis sont associés à trois (ou plus) des six symptômes suivants (dont au moins certains symptômes présents la plupart du temps durant les six derniers mois). Un seul de ces items est requis chez l’enfant :
1. Agitation ou sensation d’être survolté ou à bout,
2. Fatigabilité,
3. Difficulté de concentration ou de mémoire,
4. Irritabilité,
5. Tension musculaire,
6. Perturbation du sommeil (difficulté d’endormissement ou sommeil
interrompu ou sommeil agité et non satisfaisant). -
D. L’objet de l’anxiété et des soucis n’est pas limité aux manifestations d’un trouble de l’axe 1.
Par ex. : l’anxiété ou la préoccupation n’est pas celle d’avoir une attaque de panique (comme dans le trouble panique), d’être gêné en public (comme dans la phobie sociale), d’être contaminé (comme dans le trouble obsessionnel compulsif), d’être loin de son domicile ou de ses proches (comme dans le trouble anxiété de séparation), de prendre du poids (comme dans l’anorexie mentale), d’avoir de multiples plaintes somatiques (comme dans le trouble somatisation) ou d’avoir une maladie grave (comme dans l’hypocondrie), et l’anxiété et les préoccupations ne surviennent pas exclusivement au cours d’un état de stress post-traumatique. -
E. L’anxiété, les soucis ou les symptômes physiques entraînent une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants.
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F. La perturbation n’est pas due aux effets physiologiques directs d’une substance (par ex. : une substance donnant lieu à l’abus, un médicament) ou d’une affection médicale générale (par ex. : hyperthyroïdie) et ne survient pas exclusivement au cours d’un trouble de l’humeur, d’un trouble psychotique ou d’un trouble envahissant du développement.
II Qu’est ce que le trouble de stress post-traumatique ?
Selon le DSM IV, le trouble est du à l’exposition à un événement traumatique qui provoque chez l’individu de la peur, de la détresse ou de l’horreur.
Ce trouble se manifeste par une « réexpérience» persistante de l’événement traumatique, des comportements d’évitement, des « stimuli » associés au traumatisme, un émoussement de la réactivité générale et un état d’hyperactivité neurovégétative.
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A. La personne a été exposée à un événement traumatique au cours duquel les deux critères suivants étaient présents :
1. Le sujet a vécu, a été témoin ou a été confronté à un événement ou à des événements durant lesquels des individus ont pu mourir ou être très gravement blessés ou bien ont été menacés de mort ou de graves blessures ou bien durant lesquels son intégrité physique ou celle d’autrui a pu être menacée.
2. La réaction du sujet à l’événement s’est traduite par une peur intense, un sentiment d’impuissance ou d’horreur.
NB. Chez les enfants, un comportement désorganisé ou agité peut se substituer à ces manifestations. -
B. L’événement traumatique est constamment revécu, de l’une (ou plusieurs) des façons suivantes :
1. Souvenirs répétitifs et envahissants de l’événement provoquant un sentiment de détresse et comprenant des images, pensées ou des perceptions.
NB. Chez les jeunes enfants, il peut survenir un jeu répétitif exprimant des thèmes ou des aspects du traumatisme.
2. Rêves répétitifs et pénibles de l’événement, provoquant un sentiment de détresse.
NB. Chez les enfants, il peut y avoir des rêves effrayants sans contenu reconnaissable.
3. Impression ou agissement soudain comme si l’événement traumatique se reproduisait (incluant des sentiments de revivre l’événement, des illusions, des hallucinations et des épisodes dissociatifs (flash-back), y compris ceux qui surviennent au réveil ou au cours d’une intoxication).
NB. Chez les jeunes enfants, des reconstructions spécifiques du traumatisme peuvent survenir.
4. Sentiment intense de détresse psychologique lors de l’exposition à des indices internes ou externes évoquant ou ressemblant à un aspect du traumatisme en cause,
5. Réactivité physiologique lors de l’exposition à des indices internes ou externes pouvant évoquer ou ressembler à un aspect du traumatisme en cause. -
C. Évitement persistant des « stimuli » associés au traumatisme et émoussement de la réactivité générale (ne préexistant pas au traumatisme), comme en témoigne la présence d’au moins trois des manifestations suivantes :
1. Efforts pour éviter les pensées, sentiments ou conversations associés au traumatisme,
2. Efforts pour éviter les activités, endroits ou gens qui éveillent des souvenirs du traumatisme,
3. Incapacité de se rappeler d’un aspect important du traumatisme,
4. Réduction nette de l’intérêt ou de la participation pour des activités importantes ou bien réduction de la participation à ces mêmes activités,
5. Sentiment de détachement d’autrui ou bien de devenir étranger par rapport aux autres,
6. Restriction des affects (ex. : incapacité à éprouver des sentiments tendres),
7. Sentiment que l’avenir est » bouché « , (par ex. : pense ne pas pouvoir faire carrière, se marier, avoir des enfants, ou avoir un cours de la vie). -
D. Présence de symptômes persistants traduisant une activation neurovégétative (ne préexistant pas au traumatisme).
Comme en témoigne au moins la présence d’au moins deux des manifestations suivantes :
1. Difficultés d’endormissement ou sommeil interrompu,
2. Irritabilité ou accès de colère,
3. Difficultés de concentration,
4. Hyper vigilance,
5. Réaction de sursaut exagéré. -
E. La perturbation (symptômes des critères B, C et D) dure plus d’un mois.
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F. La perturbation entraîne une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants.
III Qu’est ce que le trouble obsessionnel compulsif TOC ?
Ce trouble apparaît parfois dans l’enfance mais plus souvent à l’adolescence ou au début de l’âge adulte. Il débute soit de façon très graduelle, soit de façon rapide suite à un traumatisme ou un stress aigu.
Les critères diagnostiques tels que définis par le DSM IV :
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A1. Existence d’obsessions :
1. Pensées, impulsions ou représentations récurrentes et persistantes qui, à certains moments de l’affection, sont ressenties comme intrusives et inappropriées, et qui entraînent une anxiété ou une détresse importante.
2. Les pensées, impulsions ou représentations ne sont pas simplement des préoccupations excessives concernant les problèmes de la vie réelle.
3. Le sujet fait des efforts pour ignorer ou réprimer ces pensées, impulsions ou représentations, ou pour neutraliser celles-ci par d’autres pensées ou actions.
4. Les sujets reconnaissent que les pensées impulsions ou représentations obsédantes proviennent de sa propre activité mentale, (elles ne sont pas imposées de l’extérieur comme dans le cas des pensées imposées). -
A2. Existence de compulsions :
1. Comportements répétitifs (par ex. : lavage des mains, ordonner, vérifier) ou actes mentaux (par ex. : prier, compter, répéter des mots silencieusement) que le sujet se sent poussé à accomplir en réponse à une obsession, ou selon certaines règles qui doivent être appliquées de manière inflexible.
2. Les comportements ou les actes mentaux sont destinés à neutraliser ou à diminuer le sentiment de détresse ou à empêcher un événement ou une situation redoutée. Cependant, ces comportements ou ces actes mentaux sont soit sans relation réaliste avec ce qu’ils proposent de neutraliser ou de prévenir, soit manifestement excessifs. -
B. A un moment durant l’évolution du trouble, le sujet a reconnu que les obsessions ou les compulsions étaient excessives ou irraisonnées.
NB : Ceci ne s’applique pas aux enfants. -
C. Les obsessions ou compulsions sont à l’origine de sentiments marqués de détresse, d’une perte de temps considérable (prenant plus d’une heure par jour) ou interfèrent de façon significative avec les activités habituelles du sujet, son fonctionnement professionnel (ou scolaire) ou ses activités ou relations sociales habituelles.
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D. Si un autre trouble de l’axe 1 est aussi présent, le thème des obsessions ou des compulsions n’est pas limité à ce dernier (par ex. : préoccupation liée à la nourriture quand il s’agit d’un trouble des conduites alimentaires ; au fait de s’arracher les cheveux en cas de trichotillomanie ; inquiétude concernant l’apparence en cas de peur d’une dysmorphie corporelle ; préoccupations à propos de drogues quand il s’agit d’un trouble lié à l’utilisation d’une substance ; crainte d’avoir une maladie sévère en cas d’hypocondrie ; préoccupations à propos de besoins sexuels impulsifs ou de fantasmes en cas de paraphilie ou ruminations de culpabilité quand il s’agit d’un trouble dépressif majeur).
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E. La perturbation ne résulte pas des effets physiologiques directs d’une substance ni d’une affection médicale générale.
RESUME SELON LA HAD
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– GRADUATION SELON L’ECHELLE D’EVALUATION DE L’ANXIETE OU HAD (HOSPITAL ANXITY AND DEPRESSION SCALE) :
Anxiété réactionelle, dysrythmie avec ou sans dépression, anxiété généralisée, phobie sociale, attaque de panique, trouble de la personnalité, angoisse. -
– REPONSES ALLOPATHIQUES
Antidépresseurs et anxiolytiques à la fois (Venlafaxine et Paroxétine) pendant six mois, aidés de thérapie cognotivo-comportementale.
QUE DIT LA MEDECINE CHINOISE TRADITIONELLE ?
Pour le décodage des symptômes, nous pouvons en nous appuyant sur les textes classiques proposer les rapprochements suivants :
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– AVEC LA RATE / YI
Les soucis, les réflexions (si lu), le surmenage intellectuel, les excès de pensée et de réflexion (si), du fait d’accumulation de mucosités/chaleur, les compulsions, obsessions, inappétence avec désintérêt, état d’ infantilisation avec refus de passer à l’âge adulte intelligible. L’élément commun est le blocage du qi ou bien le mécanisme du qi tourne à vide ou en rond -
– AVEC LES POUMONS / PO
Les préocupations (you), inquiétudes de l’avenir, chagrin(bei ), regret, remord, culpabilité. L’excès de pensée (si) correspond ici à une accumulation de mucosités chaleur dans le poumon.
Refoulement, repli sur soi pouvant être l’expression d’un vide de qi des poumons, état infantile avec refus de passer à l’âge adulte responsable
L’aspect de l’âme nommée Po s’exprime par la capacité d’entendre grâce aux oreilles, de voir grâce aux yeux, de respirer grâce au nez, d’exprimer le sensible par rapport à l’intelligible
Ici, l’élément commun est la consumation du qi. -
– AVEC LE CŒUR / SHEN
Le manque de contrôle sur l’environnement, les troubles de la mémoire (jian wang), l’inquiétude (bu an), un caractère craintif (dan qie), des émotions excessives, une lassitude mentale (shen pi), de la nervosité (xin fan) par déficience du yin du cœur et/ou chaleur du coeur, une agitation physique (zao)
par excès de feu.
Ici, l’élément commun est le désordre du qi, absence d’harmonisation. -
– AVEC LE REIN / ZHI
Les troubles de concentration et mémoire, la gestion du passé, l’agitation sans repères, la difficulté de structurer sa pensée et la rendre cohérente et de résoudre les problèmes, l’esprit d’indécision, l’esprit craintif, le manque d’habilité dans le faire, les frayeurs (jing), la peur (kong), les phobies (kong).
L’élément principal est la rétention du qi dans la partie basse du corps -
– AVEC LE FOIE / HUN
L’irritabilité (yi nü) avec ou sans tension musculaire, le caractère craintif par vide de qi, la susceptibilité (yin nü) par blocage de qi, ou vide de sang, l’impatience (zi zao) par blocage de qi, la colère et la rancœur par blocage de qi, l’esprit en ébullition, le refoulement par blocages ou stagnation du qi du foie, le trac, le perfectionnisme, la peur de l’échec avec l’orgueil déplacé.
Lorsque le hun aspect de l’âme raisonnable ayant une grande affinité pour le foie ne peut pas revenir dans ce celui ci, nous sommes en présence d’agitation du cœur/esprit (xin shen) avec troubles du comportement.
Le hun comprend la sensibilité (ganxing), la prise de conscience (juexing), la capacité de savoir (zhi xing), et la capacité de comprendre une vérité (wuxing) ; en cas de trouble on aura confusion, impression que l’on erre, angoisse de devenir fou, d’être persécuté, d’être suivi… -
– AVEC LA VESICULE BILIAIRE
On décrit cette entraille singulière du réchauffeur moyen des liaisons avec des comportements.
Par exemple : Un caractère craintif (dan qie) avec vide de qi, l’inquiétude, l’incapacité de prendre une décision par vide de qi, hésitation, timidité, nervosité (xinfan) par vide de yang ou par froid de la V.B., une lassitude mentale (shen pi), de l’insomnie (bu mian).
L’élément majeur est le vide yang de la V.B. avec le froid qui s’installe dans le réchauffeur.
En résumé
Certains symptômes sont communs à plusieurs mouvements énergétiques au sein d’organes différents.
Pour un traitement adéquat, il est indispensable de les distinguer selon leur lieu d’apparition et leurs physiopathologies
Pour savoir lequel est en jeu, nous rechercherons les symptômes princeps et secondaires accompagnant l’anxiété ou l’angoisse afin de dégager la physiopathologie la plus impliquée, comme par exemple :
• Troubles du sommeil ;
• Fatigue ;
• Céphalées ;
• Lombalgies.
Ces tableaux devront être confirmés par l’examen : teint, morphologie, attitude générale, pouls radiaux, afin de connaître au mieux les origines du ou des troubles.
QUELQUES EXEMPLES EN PRATIQUE, avec les points recommandés.
C’est ainsi que l’on trouvera volontiers
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1) Un vide qi du cœur (xin qi xu)
V15 xin shu, V14 juexin shu, RM17 danzhong, MC6 neiguan, E36 zusanli ; -
2) Un vide de sang du cœur (xin xue xu)
V17 geshu, V20 pishu, C5 tongli, V44 shentang, E36 zusanli ; -
3) Une perturbation du cœur par les mucosités-chaleur (tanhuoraoxin)
RM26 renzhong, MC4ximen, DM14 dazhui, MC7daling ; -
4) Un vide qi de la vésicule biliaire (dan qi xu)
C7 shenmen, MC6 neiguan, RT6 sanyinjiao, F14 qimen, V19 dan shu, V15 xin shu,MC7 daling, VB40 qiuxu, E40 fenglong ; -
5) Une congestion et nouure du qi du Foie (gan qi yu jie )
F13 qi men, VB24 riyue, TR6 shigou, VB34 yanglingquan, F3 taichong.
Conclusion
Il est à ce jour impossible de calquer la nosologie de la médecine moderne aux textes traditionnels.
Cependant les recoupements sont possibles.
Grâce à la connaissance des mécanismes physiopathologiques de l’acupuncture, on peut soulager, voire amender, les expressions des troubles de la personnalité sans les exclure de leurs contextes.
L’association avec l’allopathie et les thérapies sensitivo-cognitives reste possible et ne gêne en rien le travail des aiguilles.
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BIBLIOGRAPHIE
1. Dienal M. & Y., Maladies mentales, autant d’énigmes enfin résolues – Ed. Dangles Paris 2005.
2. Dienal M. & Y., L’esprit humain clairement expliqué – Ed. Dangles Paris 2005.
3. Sterckx P. & Chenjun, Diagnostic des syndromes et symptômes – Ed. Presses universitaires de guangming. Pully 2000.
4. Wang xi zhe, Insomnie et hypersomnie en médecine chinoise traditionnelle, traduction de Lin shi shan – Ed Institut yin-yang Forbach 1999.
5. Wang dai, Formules magistrales en acupuncture traditionnelle, traduction de Lin shi shan – Ed. Institut yin-yang Forbach 1994.
6. Thiebart A., Névroses en France et au Japon, différences culturelles, pathologies comparables – Le quotidien du Médecin N° 7798 sept. 2005.