Dominique Georget-Tessier, septembre 2008
Historique
L’acupuncture fait partie de la médecine traditionnelle chinoise.
On retrouve des documents écrits en Chine il y a environ 2000 ans, à l’époque des Han. Elle daterait en fait peut-être de cinq mille ans, à l’aube du règne de l’empereur Fou Hi. Pour la tradition orale elle décrit l’homme sain, son fonctionnement, ses relations avec l’univers, la survenue de maladies, leurs diagnostics, leurs traitements par les aiguilles (Zhen Jiu Fa : « méthode des aiguilles et des moxas »), par les plantes (phytothérapie chinoise), par la diététique, par les massages (tui na), par une pratique corporelle (taï chi chuan, qi gong)…
La pensée traditionnelle chinoise
Sa connaissance est incontournable pour qui pratique l’acupuncture et est un enrichissement considérable pour notre manière d’envisager le monde, l’homme, la maladie. La lecture des livres de François Cheng, du sinologue François Jullien spécialistes de cette approche nous donne un autre éclairage sur notre culture occidentale.
Toute la médecine traditionnelle chinoise est fondée sur trois signifiants essentiels de la pensée philosophique chinois : dao, yin/ yang, vide et qi.
Dao « parler du Dao est une gageure, on ne peut l’appréhender que par ses effets, il faut le méditer » [1]
QI peut se traduire par « souffle » ou « énergie ».
« Le souffle est constitutif l’ensemble de l’univers et c’est la condensation de ces souffles qui forment la vie : La vie est due à une accumulation de souffles : si le souffle s’accumule, c’est la vie, s’il se disperse, c’est la mort » écrit Zhuang Zi.
Ce qi se caractérise en yin et yang. L’un et l’autre sont indissociables, comme le jour et la nuit, le froid et le chaud, le haut et le bas, l’inspir et l’expir. Dans cette dialectique, il n’y a pas la place pour le binaire : il n’y a pas de discontinuité ; cela se transforme :à la fin du yin se trouve le germe du yang.
C’est le même souffle qui circule dans l’homme, circule dans l’univers, fait le jour et la nuit, l’alternance des saisons. La médecine traditionnelle chinoise voit le corps humain comme un ensemble dynamique, où tout est mouvement harmonieux et équilibré si l’on est en bonne santé. Les maladies apparaissent si la circulation du qi est confrontée à des obstacles :déséquilibre nutritionnel,traumatisme, trouble climatique (froid, humidité, chaleur, vent, sécheresse )ou un trouble des émotions (la colère, l’anxiété,la tristesse, la peur.. ).
Vide : le vide est fondamental dans la tradition chinoise. Il est indispensable à la vie
« Trente rayons se joignent en un moyeu unique
Ce vide dans le char en permet l’usage
D’une motte de glaise, on façonne un vase
Ce vide dans le vase en permet l’usage
On ménage des portes et des fenêtres pour une pièce
Ce vide dans la pièce en permet l’usage » (chapitre 11 du Daodejing)
Vide qui est la condition d’un geste juste en acupuncture, espace « vide » entre le médecin et le patient qui permet l’installation de la relation thérapeutique.
Les principes de base de l’acupuncture
Le modèle de l’acupuncture chinoise repose sur un ensemble de propositions physiopathologiques, étiologiques, sémiologiques, cliniques, nosologiques faisant partie d’un ensemble cohérent.
L’acupuncture est d’abord une médecine du souffle qui est liée à la personne, au lieu et à l’heure, à la qualité du souffle au moment où on le considère. Ce qui explique qu’un traitement identique pour un même pathologie n’aura pas un succès équivalent chez deux patients différents et que le même traitement chez la même personne puisse avoir des effets différents à quelques jours d’intervalle. Les médecins chinois traditionnels appellent cela le deshi : l’obtention du souffle au moment de la puncture ou encore « obtenir le moment »
La médecine traditionnelle chinoise relie chez le malade, les signes qu’il présente avec ce qu’il est, sa constitution, son tempérament, sa psychologie, son vécu, son environnement. Pour la tradition chinoise, l’homme est une totalité, un microcosme régi et ordonné par les mêmes lois et le siège des mêmes transformations de souffle que l’univers entier. L’acupucture tient compte de l’unité de la personne et relie ses aspects corporels psychiques et spirituels. Le Su Wen au chapitre 8 évoque les formes que peut prendre l’impact du chagrin ou des réflexions préoccupantes sur le corps : les émotions et les passions s’impriment dans des lieux du corps.
La prise des pouls est essentielle : c’est une interrelation : par cela, l’acupuncteur perçoit la dynamique du sujet.
L’acupuncture permet à l’homme de mieux s’adapter à toutes les perturbations climatiques, alimentaires, émotionnelles. Elle permet à l’homme malade de mieux se situer et d’accéder à des plans de l’être qui dépassent son individualité et le relie à l’Universel. Nous soignons l’individu considéré dans sa globalité et sa singularité, au-delà des symptômes La médecine traditionnelle chinoise est également une médecine préventive, qui maintient l’homme en bon équilibre : « se soigner quand on tombe malade, c’est comme creuser un puits quand on a soif » écrit le Nei Jing. traditionnelle Certaines familles consultaient régulièrement l’acupuncteur à chaque changement de saison. Nous recommandons aux malades traités pour des algies, des rhumatismes, des infections à répétition, des allergies, des dépressions [2] …de prévenir les rechutes en consultant tous les 3 ou 6 mois ou annuellement.
Le chapitre 8 du Lingshu est très éclairant à ce sujet :
« Le savoir-faire (zhi), c’est l’entretien de la vie (yang sheng)
Ne pas manquer d’observer les quatre saisons
S’adapter au froid et au chaud
Harmoniser allégresse et colère et être tranquille,
Au repos comme dans les actions,
Régler le yin et le yang et équilibrer le dur et le mou.
De cette façon, ayant écarté la venue des pervers,
Ce sera la longue vie et la durable vision. »
L’acupuncture permet de rétablir une circulation harmonieuse des qi. Elle donne de la souplesse dans le corps et dans l’esprit ; certains points peuvent avoir un impact psychothérapeutique ; si la personne comprend le processus mobilisé l’obstacle est rapidement levé.
De fines aiguilles sont insérées, à travers la peau, au niveau de points particuliers du corps. Elles vont alors lever les obstacles et refaire circuler l’énergie (et donc soulager une douleur ou un autre symptôme gênant).
La manière de puncturer est très importante. La qualité de présence de l’acupuncteur est essentielle : l’enracinement, le vide, la présence, l’ouverture vont permettre de mieux percevoir ce qui est noué chez le malade. L’acupuncteur est tel le boucher de Zhuangzi [3] qui sait « enfoncer le tranchant dans les interstices de la chair » et « manie son couteau avec aisance parce qu’il opère à travers des endroits vides »…
On voit ici qu’il n’est pas question pour nous d’une aiguillothérapie, mais d’un acte porteur d’une dimension sacrée. Les textes anciens sont pour nous une inspiration quotidienne.
Les aiguilles produisent alors un micro-courant qui agit dans l’organisme de façon électromagnétique, cet effet pouvant être amplifié, si besoin, par chauffage de l’aiguille (les « moxas »). Cela nécessite d’avoir fait un examen clinique très complet, où interviennent un interrogatoire détaillé, un examen clinique, l’examen de la langue et la prise des pouls chinois.
Les méridiens d’acupuncture : en chinois, le terme qui les désigne est jing. Ce terme désigne la trame : trame de la vitalité qui surgit de « l’étreinte du ciel /terre », de la compénétration yin : yang et dans le corps. Ce sont les grandes lignes de force qui dirigent et orientent la distribution du souffle et du sang, qui ordonnent la vitalité.
Il est intéressant de noter (c’est toute la richesse de la polysémie de la langue chinoise) que le même idéogramme Jing représente aussi les veines, ou les cours d’eau souterrains, ces derniers étant des circulation d’eau, mais aussi des circulations d’’influx et de souffles. Les lignes de force donnent leur direction aux distributions d’influences, visibles ou non, qui déterminent la forme du relief aussi bien que les qualités de la vie qui se déroule sur un territoire donné.
Jing : ce sont les lignes ou routes tracées dans le sens de la longueur, des méridiens géographiques ou astronomiques, ou encore, le tracé d’un plan.
Jing est donc l’organisation d’une structure de base, les fils de chaîne du métier à tisser, la structure qui sous-tend la trame
Jing désigne aussi les règles constantes, les principes immuables qui s’expriment dans un corps, un être, une société, pour les régler et les régir.
Les méridiens parcourent tout l’ensemble de l’organisme et sont en relation avec les organes (cœur, poumons,foie,reins..) et les structures du corps (peau, muscles,chair,sang, os..).
Le point d’acupuncture est un lieu privilégié sur la peau qui permet d’accéder à cette énergie, puisqu’à cet endroit l’énergie est plus superficielle qu’en d’autres endroits du corps. Cette zone cutanée peut être mise en évidence à l’aide de détecteurs. Ceux ci mettent en évidence une différence de potentiel entre le centre et la périphérie du point
Il est très important que le point peut être ouvert ou fermé selon le moment de la journée du mois des saisons (notion de kaï, he) : dans ce cas, inutile de chercher à le puncturer !
En étudiant au microscope l’emplacement du point d’acupuncture, on remarque que c’est une zone « vide » c’est-à-dire qu’il n’y a pas à cet endroit ni vaisseaux sanguins, ni vaisseaux lymphatiques, ni nerfs. C’est dans ce vide que le qi est le plus accessible.
Les aiguilles utilisées sont stériles et à usage uniques et retirées au bout de 15 à 20 minutes. Au cours d’une séance, 3 à 10 aiguilles sont utilisées. Après la pose des aiguilles peut survenir une sensation de chaleur, de lourdeur, de pression : c’est normal.
Fréquence des séances : une réaction au traitement peut survenir dès la première séance. Parfois, il faut attendre 3 ou 4 séances. cela dépend de la pathologie. N’hésitez pas à me poser la question.
Quelles sont les indications de l’acupuncture
- En aigu : traumatisme,entorses, tendinites, crises d’asthme, crise d’angoisse, crises hémorroïdaires, zona, paralysie faciale (le plus rapidement possible),céphalées, migraines,lumbagos, sciatiques ….
- En chronique : insomnie, dépression (,anxiété,angoisse, chaleur, troubles des règles, troubles de la grossesse, de la ménopause, addiction au tabac, surcharge de poids, renforcement des défenses immunitaires, gastrite, colite, constipation…
- Elle est reconnue par l’H.A.S.* dans trois indications : les lombalgies, le sevrage tabagique, les nausées de la femme enceinte ;
- Actuellement il y a 3139 essais contrôlés randomisés concernant l’acupuncture. Ces essais sont pour la plupart réalisés à l’étranger et concernent ses différents champs d’application (rhumatologie, neurologie, gynéco-obstétrique )
- Elle est utilisée dans de nombreux hôpitaux en France, en particulier de plus en plus en obstétrique (Hôpital de Strasbourg, de Nîmes), et en cancérologie où elle contribue à mieux tolérer les chimiothérapies à réduire les douleurs, réduire les angoisses ;Il existe une consultation d’acupuncture dans le service d’anesthésie de l’hôpital de Pau (docteur Olivier Wurmser)
Quels sont les effets secondaires de l’acupuncture ?
- Une somnolence peut survenir pendant le traitement chez certains patients : si tel est le cas, repassez en salle d’attente pour récupérer une vigilance parfaite avant de reprendre le volant.
- Dans tous les cas, redoublez de concentration après la séance d’acupuncture !
- Des petits saignements ou ecchymoses peuvent survenir après acupuncture dans environ 3 % des cas ; vous pouvez appliquez de la glace enveloppée dans un mouchoir si besoin.
- Une douleur à la pose des aiguilles peut être ressentie, en particulier lors des premières séances, surtout si vous êtes contracté(e).
- Une aggravation transitoire des symptômes peut survenir dans les heures qui suivent le traitement : c’est en général un signe d’activité thérapeutique.
- Un malaise peut exceptionnellement avoir lieu chez certains patients très réactifs, en particulier lors de la première séance : le médecin est là pour y pallier immédiatement, sans annuler obligatoirement le traitement.
- Il est conseillé de ne pas avoir d’activité physique particulière avant le lendemain, car celle-ci génère un « bruit de fond » perturbant l’efficacité du traitement par l’aiguille.
Sur le plan pratique
Lors de l’interrogatoire médical au début de la consultation, le médecin discutera avec vous des problèmes particuliers pouvant se rapporter à votre cas ; en plus des informations habituelles, il est important de lui signaler :
- si vous avez déjà présenté des pertes de connaissance ou évanouissements dans le passé
- si vous êtes porteur d’un pacemaker ou de tout autre implant électrique
- si vous avez une maladie hémorragique, ou si vous prenez des anti-coagulants ou de l’aspirine
- si vous avez une maladie des valves cardiaques ou tout autre risque d’infection
- si vous avez une maladie de la peau évolutive
- si vous êtes enceinte ou en période de règles
Il est déconseillé de pratiquer le même jour ou le lendemain une séance d’ostéopathie, ou un sport intensif.
Concernant les enfants, il est préférable d’attendre 7 ans et d’avoir leur accord. Je préfère utiliser l’homéopathie qui arrive souvent à dénouer bien des problèmes. Cependant, l’acupuncture peut être indiquée : dans ce cas le traitement aura bien sûr lieu en présence des parents, sur lequel une aiguille de démonstration pourra être posée.
[1] Dao De King, traduction de Claude Larre ; édition Desclée de Brouwer
[2] I. WARREN FAYDI : Acupuncture et dépression : analyse critique et synthèse méthodique des essais cliniques randomisés ; thèse de doctorat en médecine, année 2006, Bordeaux 2
[3] C.LARRE et E.ROCHAT DE LA VALLEE : Zhuangzi, la conduite de la vie de vide en vide ; Desclée de Brouwer, 1996
*Haute Autorité de Santé