Le prophète
Nous te demanderons maintenant de nous parler de la mort…
Vous voudriez connaître le secret de la mort
Mais comment le découvrirez vous si vous ne le cherchez dans le cœur de la vie ?
Le hibou dont les yeux de nuit sont aveugles au jour
Ne peut dévoiler le mystère de la lumière.
Si vous voulez vraiment contempler l’esprit de la mort,
ouvrez largement votre cœur au corps de la vie.
Car la vie et la mort ne sont qu’une seule et même chose,
Comme le fleuve et la mer ne sont qu’une seule et même chose. Dans les profondeurs de vos espérances et de vos désirs, s’abrite votre silencieuse connaissance de l’au-delà ;
Et comme des grains rêvant sous la neige, votre cœur rêve du printemps.
Faites confiance aux rêves, car en eux se cache le portail de l’éternité.
Votre peur de la mort ressemble au tremblement du berger quand il se tient devant le roi et que le roi étend sa main pour la poser sur lui en signe d’honneur.
Le berger ne se réjouit-il pas sous son tremblement de ce qu’il portera l’insigne d’honneur.
Et cependant, n’est-il pas plus conscient de sa peur que de sa joie ?
Qu’est-ce qu’en effet mourir sinon se tenir nu dans le vent et se dissoudre dans le soleil ?
Et qu’est-ce que cesser de respirer sinon libérer l’haleine de son flux turbulent afin qu’elle s’élève et s’étende et cherche Dieu librement ?
C’est seulement quand vous boirez du fleuve du silence que vous chanterez vraiment.
C’est quand vous aurez atteint le sommet de la montagne que vous commencerez à monter.
Et c’est seulement quand la terre réclamera vos membres que vous saurez danser.